Questions à Souayibou Varissou, Directeur exécutif du Fonds du Patrimoine Mondial Africain

Souayibou Varissou
Interview

Le dîner caritatif organisé en novembre prochain par la Mission sera donné au profit de FPMA. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

 

Le diner caritatif sous les auspices de la Mission de Champagne représente une contribution majeure et un grand moment pour le développement des activités du FPMA. Au-delà des recettes attendues qui permettront de soutenir les programmes de renforcement de capacité et les capacités d’intervention du Fonds, le sens de l’engagement en faveur du patrimoine africain est tout à l’honneur du Président de la Mission. Il est à espérer que des initiatives similaires soient programmées dans d’autres villes de France afin de consolider les capacités opérationnelles du FPMA par rapport au patrimoine africain.

 

Quand, comment et dans quel but le FPMA a-t-il été créé ?

 

C’est une organisation intergouvernementale créée le 5 mai 2006 en Afrique du Sud en vue d'apporter un soutien technique et financier à la conservation efficace et à la protection du patrimoine culturel et naturel ayant une valeur universelle exceptionnelle en Afrique. L’objectif principal est de relever les défis auxquels les Etats africains signataires de la Convention du patrimoine mondial de 1972 font face dans la mise en œuvre de ladite Convention.

 

Il s'agit notamment de la sous-représentation des sites africains sur la Liste du patrimoine mondial et des insuffisances en matière de conservation et de gestion. Le Fonds a été classé centre de catégorie 2 sous l'égide de l'UNESCO en 2010 et, à cet égard, il est devenu le partenaire officiel du Centre du patrimoine mondial de l'UNESCO. Le Gouvernement d'Afrique du Sud héberge le FPMA au nom du continent africain.

 

Comment est-il financé ?

 

En tant qu'organisation intergouvernementale, plus de 90% de ses financements proviennent des Etats Parties à la Convention du patrimoine mondial, y compris le pays d'accueil. Il s'agit de contributions volontaires établies sur la base d'accords spécifiques pour réaliser les programmes, assurer le fonctionnement ou renforcer le fonds d'investissement.

 

Le financement du FPMA est aussi assuré grâce aux intérêts générés par le fonds d'investissement, les apports du secteur privé et les campagnes de mobilisation de fonds, à l’instar de l’initiative en préparation sous la houlette de la Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne.

 

Combien de pays africains ont-ils signé la Convention du patrimoine mondial ?

 

Actuellement et considérant l’espace de l’Union Africaine (qui est différent de la région Afrique telle qu’utilisée par l’UNESCO et les Nations Unies en général), 54 pays africains ont signé/ratifié la Convention dont ils sont par conséquent Etats Parties. Le seul pays africain membre de l'Union Africaine (mais pas reconnu par les Nations Unies et donc ne pouvant pas ratifier la Convention du patrimoine mondial) est la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD). Cependant si l’on considère la région Afrique, ses 47 Etats ont signé/ratifié la Convention du patrimoine mondial.

 

Il y a actuellement 98 sites africains inscrits au Patrimoine mondial. Comment sont-ils répartis sur le continent ?

 

Les pays abritant le plus de biens sur le continent sont l'Afrique du Sud (10), le Maroc et l'Ethiopie (9), la Tunisie (8) et le Kenya, le Sénégal et la Tanzanie (7). Cependant la plupart des Etats Parties d'Afrique abritent au maximum 2 biens.

 

Il convient également de noter que 12 Etats Parties n’ont, à ce jour, aucun site inscrit au Patrimoine mondial, ce qui leur dénie le droit de jouir des avantages liés à ce statut. Il s’agit du Burundi, des Comores, de Djibouti, d’Eswatini, du Liberia, de la Guinée Bissau, de la Guinée Equatoriale, du Rwanda, de Sao Tome & Principe, de la Sierra Leone, de la Somalie & du Soudan du Sud. C’est un défi majeur pour la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial en Afrique et une responsabilité partagée par toute la communauté internationale.

 

Quels sont les sites les plus connus ?

 

La question de la célébrité des sites est assez subjective puisque tous les sites du Patrimoine mondial ont été classés sur cette liste en raison de leur Valeur Universelle Exceptionnelle (VUE). En considérant leur attraction, on peut évoquer des sites comme :

  • Mosi oa Tunya/Chutes Victoria (Zambie/Zimbabwe) en raison du volume d’eau et des phénomènes naturels/culturels liés.
  • Tombouctou (Mali) à cause du rôle majeur de ce lieu dans la vie intellectuelle et spirituelle de l’Afrique au XVe et XVIe siècles.
  • Les Églises creusées dans le roc de Lalibela (Ethiopie). Cette série composée de onze églises monolithes médiévales de cette « nouvelle Jérusalem » du XIIIe siècle ont été creusées et taillées à même le roc près d'un village traditionnel aux maisons rondes. Lalibela est un haut lieu du christianisme éthiopien, lieu de pèlerinage et de dévotions.
  • Robben Island (Afrique du Sud), une île utilisée entre le XVIIe et le XXe siècle comme prison, hôpital pour les malades socialement indésirables et base militaire. Ses bâtiments, et en particulier ceux du XXe siècle, la prison à haute sécurité pour les prisonniers politiques, témoignent de l'oppression et du racisme qui régnaient avant le triomphe de la démocratie et de la liberté.
  • Parc National des Virungas (République Démocratique du Congo) à cause de l’extrême diversité d’habitats et de biodiversité en ces lieux en partie volcaniques.
  • Monument national du Grand Zimbabwe (Zimbabwe) en tant que témoin unique de la civilisation bantoue des Shona entre le XIe et le XVe siècle et centre d'échanges important pendant cette période.
  • Memphis et sa nécropole – les zones des pyramides de Guizeh à Dahchour (Egypte) qui constituent un centre témoin de l’Ancien Empire pharaonique et comportant des ensembles funéraires avec leurs tombes rupestres, leurs mastabas finement décorés, leurs temples et leurs pyramides.

 

Pourquoi n’y en a-t-il pas davantage ?

 

La région Afrique comprend en effet 98 sites du patrimoine mondial, ce qui représente 8.5% des 1154 biens sur la Liste universelle. Ce nombre est perçu comme une sous-représentation de l’Afrique sur la Liste puisque le continent est riche d’une extraordinaire diversité culturelle et naturelle qui en fait par exemple le berceau de l’humanité (au double plan de l’hominisation et de l’apparition de l’homme moderne) ainsi que le seul continent ou les Big 5 ????existent dans leur milieu naturel.

 

Parmi les causes qui expliquent cette faible représentation, on peut citer (1) la faiblesse des budgets alloués aux projets d’inscription et au secteur de la culture en général, (2) la compétition des priorités qui sont davantage centrées sur les besoins économiques (infrastructures, équipements…) et sociaux (santé, éducation…), ainsi que (3) l’insuffisance des capacités professionnelles et institutionnelles, ce qui justifie la création du FPMA pour essayer de remédier à cette situation.

 

Comment la gestion, la conservation et la valorisation de ces sites sont-elles assurées après leur inscription ?

 

Conformément à l’article 4 de la Convention du patrimoine mondial, les premiers responsables de la conservation de sites sont les Etats Parties dans lesquels ces sites se situent.

 

Le FPMA organise également des programmes de renforcement de capacité professionnelle en préparation de propositions d’inscription et en conservation/gestion de sites. Aux ateliers et chantiers en préparation de dossiers d’inscription s’ajoutent ceux en gestion de risques et catastrophes et en entreprenariat du patrimoine. Le Fonds attribue aussi des subventions aux projets d’inscription et pour assurer une meilleure conservation des sites du patrimoine mondial.

 

Toutes ces actions par les Etats aussi bien que le FPMA et d’autres mécanismes d’appui au sein de l’UNESCO et d’autres partenaires contribuent à l’amélioration des conditions de conservation et de gestion des sites du patrimoine mondial en Afrique.

 

Quelles actions concrètes avez-vous mises en œuvre pour stimuler et accompagner de nouvelles candidatures ?

 

Les nouveaux projets d’inscription bénéficient de plusieurs actions du FPMA entre autres :

  • Les formations professionnelles en préparation de propositions d’inscription. Ce programme qui alterne dans les différentes zones linguistiques et régions associe les formations théoriques et les applications pratiques. L’objectif ultime est de familiariser les professionnels africains avec l’environnement du patrimoine mondial et d’augmenter le nombre et la qualité des dossiers d’inscription. Le FPMA organise un cours par an, structuré en plusieurs étapes à savoir : un atelier introductif et de planification (2 semaines), une période pour les travaux de terrain et le suivi, la finalisation du dossier. En raison des moyens limités et des interférences multiples, la mise en œuvre de cette structure n’est pas sans difficulté. Les deux derniers cours ont eu lieu respectivement en Tanzanie (déc. 2021) pour les anglophones et au Cameroun (mai 2022) pour les francophones.
  • L’attribution de subventions pour soutenir les efforts des Etats parties à finaliser leur dossier d’inscription.
  • Les missions de conseil et d’appui technique aux projets d’inscription qui en ont besoin.

 

Quels sont les projets en cours ?

 

S’agissant des projets d’inscription, on peut citer :

  • Le site archéologique et paléontologique de Melka-Kunturé et Balchit & Holqa Sof Umar : patrimoine naturel et culturel (Ethiopie).
  • Le paysage culturel du Mont Mulanje (Malawi).
  • Le paysage culturel de Barotse (Zambie) : méthodes traditionnelles de conservation des canaux.
  • La cour royale de Tiebele (Burkina Faso).
  • L’émergence de l’homme moderne : les sites d’occupation du Pléistocène en Afrique du Sud,
  • Le Parc national des îles Ehotile (Côte d’Ivoire), etc.

 

Il faut noter que le FPMA dispose également d’un programme subventions pour la conservation du patrimoine mondial et d’un régime de bourses pour les étudiants africains en Master et Doctorat sur le patrimoine mondial. Parmi les projets en cours figurent :

  • En subventions de conservation : Développement d’une visite virtuelle du site en vidéo/ réalité augmentée sur Twyfelfontein (Namibie), Améliorer la conservation des gorilles de montagne dans le secteur Sud du parc impénétrable de Bwindi (Ouganda), Étude des attributs naturels et des cultures de l’île sacrée Bosson Assoun du parc national des îles Ehotilé  (Cote d’Ivoire), Protection, surveillance, sensibilisation et suivi écologique de la Réserve naturelle de l’Aïr et du Ténéré et de sa périphérie (Niger), Renforcement des capacités des décideurs et des parties prenantes sur les biens du patrimoine mondial en République Unie de Tanzanie, Réhabilitation et restauration des ruines du fort de Sao Verrissimo (Cap Vert) etc.
  • En subventions d’étude et de recherche : Effet du changement climatique sur la dynamique de la savane du site du patrimoine mondial du parc national de la Comoé (Mlle Amenan Sylvie Konan, Côte d’Ivoire), participation des acteurs et les conflits dans la Réserve de faune à okapis (RDC), Une contribution à la cogestion des aires protégées de la Réserve de faune à okapis (M. Prosper Bombula Mosali, RDC), Evaluation des programmes de reforestation autour des pentes du Mont Kilimandjaro (Mlle Msangi Zuhura, Tanzanie), Analyse des matériaux (mortiers d’origine) du Château de Bonne Espérance et production de mortiers de restauration compatibles pour les bâtiments du patrimoine dans la province du Cap occidental (Robben Island), Afrique du Sud (Mlle Loke Maphole Emelly, Lesotho), Sauvegarde du patrimoine culturel du patrimoine mondial de la médina de Sousse et de ses environs (Mlle Jmei Imen, Tunisie) etc.

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