Bruno Decrock, historien d’art

Bruno Decrock, historien d’art
Interview

Comment se décompose votre mission ?

Elle comprend une approche purement documentaire complétée par une approche de terrain qui vont nous permettre de produire un inventaire des cadoles du sud-champenois. Notre première démarche a été de recenser et de contacter l’ensemble des personnes ressources pour cette opération.

 

Quelle documentation avez-vous pu réunir ?

La collecte n’est pas tout à fait terminée mais nous avons déjà recueilli une trentaine d’ouvrages et articles, pas seulement sur les cadoles du sud-est champenois, mais aussi sur des constructions approchant, connues sous le même nom ou sous différentes déclinaisons : cabornes, caborgnes… Nous avons également intégré les bases de données patrimoniales du ministère de la Culture. Ce sont des outils très intéressants qui nous donnent accès à des descriptions, des datations, des utilisations dans d’autres régions et nous permettent de relativiser l’intérêt et l’originalité des cas champenois. Sur les 49 cadoles référencées dans ces bases de données, aucune n’est située en Champagne-Ardenne. De même qu’on ne trouve dans notre région aucune de celles qui ont été protégées au titre des monuments historiques depuis la fin des années 80.

 

Qui sont ces personnes ressources à qui vous avez fait appel ?

Soit des mémoires locales capables de nous indiquer des emplacements de cadoles, parfois très isolés et au fond des bois, soit des organismes ayant déjà travaillé sur des thématiques similaires et disposant de ressources bibliographiques, comme le Parc naturel régional de la Montagne de Reims ou le Comité Champagne, soit encore des personnes ayant une connaissance du sujet, matérielle, sociologique, historique ou en rapport avec le monde vigneron. À partir des coordonnées GPS qui nous ont été communiquées et des localisations trouvées dans les guides et autres parcours de visite, nous avons établi une cartographie générale des sites de cadoles que nous avons basculée sur la plateforme Géoportail développée par l’IGN pour arriver sur le terrain avec un maximum d’informations les plus précises possible.

 

Et ce travail de terrain, comment s’est-il passé ?

Nous avons fait un premier repérage. Pour les cas plus compliqués à retrouver, nous nous sommes appuyés sur des personnes sur place qui nous ont guidés, se sont montrées très disponibles, très à l’écoute aussi, ce qui nous a permis de compléter notre prospection. Après une douzaine de jours passés sur place en juillet et début octobre, nous avons réussi à ratisser tous les cas connus, signalés dans la documentation.

 

Combien en avez-vous dénombrés ?

165 sites. Avec une majorité de cadoles, mais aussi une dizaine de cabanes en pierre de forme rectangulaire, ainsi que des coupe-vent (sortes de demi-cadoles) souvent pris dans les murgers. Tout cela participe d’une même organisation du terrain donc nous les avons intégrés dans notre repérage.

 

Où les cadoles sont-elles situées ?

Il en reste très peu au milieu des vignes mais quelques beaux exemples subsistent heureusement. Au moins 80 % sont en sous-bois ou en lisière de bois actuellement, alors qu’elles étaient en secteur viticole sur le parcellaire ancien. Ces vignes ont été abandonnées après la crise du phylloxéra et les crises économiques subies par le monde du vin. Certaines ont été récupérées par l’ONF qui a été l’un de nos informateurs principaux. Il est probable qu’après le premier remembrement et lors des réaménagements des secteurs viticoles dans les années 80 notamment, quelques-unes ont été passées au bulldozer parce qu’il fallait remodeler le territoire, rationaliser l’espace pour créer de plus grandes parcelles de vignes, plus homogènes, plus faciles à travailler.

 

Avez-vous pu les dater ?

C’est très compliqué. Pour l’instant nous n’avons aucun élément de datation, seulement des pistes émanant d’autres régions. Le problème est que la construction en pierres sèches repose sur une technique qui est la même du Néolithique à aujourd’hui. On dit que certaines cadoles pourraient remonter au 17e mais les datations les plus anciennes proposées ailleurs sont du 18e siècle, et plus souvent plutôt de la première moitié du 19e. Ce phénomène est à mettre en rapport avec la grande période d’expansion de la vigne en France qui commence au 18e et qui dure jusqu’à la crise du phylloxéra.

 

Sur quoi ces recherches vont-elles déboucher ?

Sur un inventaire cartographique comprenant une géolocalisation des sites et une fiche détaillée avec couverture photographique pour chacun, ainsi qu’un rapport général qui va permettre d’améliorer la connaissance et la compréhension globale du phénomène cadoles sur l’ensemble du secteur géographique concerné. Tout sera diffusé sur internet. D’autre part, nous avons travaillé avec Gabriela Guzman, architecte du patrimoine, pour pouvoir intégrer à cet inventaire des préconisations de conservation-restauration, une des priorités du cahier des charges de cette mission étant de pointer les urgences d’intervention pour sécuriser l’ensemble de ce patrimoine.

 

Quel complément l’équipe d’Archéovision a-t-elle apporté ?

Il s’agit d’un laboratoire du CNRS établi à Bordeaux avec qui nous travaillons depuis quelques années. Il a réalisé début octobre la numérisation en 3D d’une cadole bien conservée sans être trop restaurée. Le premier résultat est impressionnant. Il permet notamment de comprendre comment elle est construite, comment les pierres tiennent, pourquoi les murs sont des tampons thermiques très efficaces. On a l’impression d’être dans une salle du trésor, au milieu d’une grosse masse de pierres. On se rend mieux compte aussi que le sol est en contrebas, légèrement creusé. Cette simulation en 3D est une belle image d’accroche, plus puissante qu’un discours. Elle est à la fois un outil d’aide à la compréhension et un outil de communication très utile.

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