Interview d’Elisabeth Cayrel

Elisabeth Cayrel
Interview

Consultante, spécialiste de l’accompagnement de candidatures et de la gestion de sites inscrits au Patrimoine mondial

 

« Le grand défi du deuxième plan de gestion est de l’écrire par et pour le territoire »

 

Vous avez dressé le bilan du premier plan de gestion qui accompagnait la candidature des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne au Patrimoine mondial. Que faut-il en retenir ?

Le bilan est très positif. Déjà, en 2015, il avait fait l’objet d’une validation inscription dès le premier passage en Comité du Patrimoine Mondial, ce qui est loin d’être toujours le cas. Et sa mise en œuvre a été exemplaire : habituellement, il y a toujours un petit delta entre ce qui a été prévu et ce qui a été réalisé alors qu’ici quasiment tout a été mis en œuvre, hormis deux actions qui ne dépendaient pas de la Mission. Et surtout, cette dernière elle est allée bien au-delà de ce qui était écrit dans le plan de gestion. Collecter toutes les actions additionnelles nous a pris du temps. C’est un point que nous voulons avons voulu saluer.

 

Nous avons aussi constaté les très bons rapports entretenus par la Mission avec les services de l’Etat qui s’appuient beaucoup sur elle. Parfois les gestionnaires de patrimoine mondial souffrent d’un déficit de légitimité. Là, c’est tout le contraire. La seule limite de ce premier plan de gestion, c’est son caractère très technique, pas toujours très lisible, qui ne favorise pas une forte appropriation. Mais c’est inhérent à toutes les candidatures puisqu’un tel document s’adresse en premier lieu aux experts de l’Unesco et d’Icomos qu’il s’agit de convaincre d’inscrire le bien. Nous avons dit à la Mission - qui l’avait déjà compris - que le grand défi du deuxième plan de gestion serait de l’écrire avec et pour le territoire. (souligné)

 

Précisément, quels sont les grands enjeux de ce 2e plan de gestion ?

D’abord formaliser les nombreux partenariats informels qui se sont créés toutes ces années et n’ont jamais été vraiment codifiés ni quantifiés. Ils dépendent beaucoup de l’interpersonnel et pourraient être en grande perte si les responsables changeaient. La Mission n’a pas vocation à être seul et unique maître d’ouvrage de la gestion du bien. Elle doit s’appuyer sur tous les échelons de collectivité, les professionnels du Champagne, le Parc naturel régional de la Montagne de Reims, faire le lien aussi avec l’inscription au Patrimoine mondial dont bénéficient la cathédrale, l’ancienne abbaye Saint-Remi et le palais du Tau à Reims.

 

C’est pour répondre à ce besoin que tous les acteurs ont été invités dès les premières phases d’élaboration. Au lieu de leur fixer une feuille de route pour les années à venir, il était plus intéressant de leur demander de quels outils, actions ou instances ils avaient besoin en tant que partenaires de gestion. L’enjeu était aussi de les responsabiliser en les amenant à se demander quel rôle ils pouvaient jouer, comment ils pouvaient eux-mêmes contribuer à la gestion du bien.

 

Sous quelle forme a lieu ce travail ?

Le choix a été fait de créer des groupes de travail transversaux, auxquels ont été invités des représentants techniques, des élus, des vignerons, le Comité Champagne, etc. pour avoir une grande diversité d’acteurs et les faire réfléchir sur quatre thématiques : connaissance et médiation ; préservation et conservation des paysages, du patrimoine bâti et des caves ; biodiversité et résilience face au changement climatique ; tourisme et œnotourisme.

 

Où en est-on dans le processus ?

On est à mi-chemin. Il y a eu deux sessions d’ateliers. Une première qu’on a orientée vers la réalisation d’un diagnostic partagé : on voulait repartir de zéro avec les acteurs du territoire pour avoir leur perception de la gestion actuelle et déterminer avec eux les grands enjeux de la gestion à venir. La 2e session visait à ouvrir la boîte à idées, à accueillir toute proposition d’action qui pourrait être intégrée au plan de gestion, en précisant bien qui de la Mission ou de ses partenaires aurait à les mettre en œuvre. Le but était aussi bien de valoriser des actions déjà prévues que d’en faire émerger de nouvelles grâce à des synergies entre personnes présentes. La prochaine étape sera la phase d’arbitrage. Elle relève d’un Comité de Bien qui doit être installé avant l’été. Celui-ci réunira des représentants de toutes les instances du territoire et des professionnels sous la présidence du préfet de la Marne au nom de la préfète de Région.

 

Quelles seront les étapes suivantes ?

Après la réunion du Comité de Bien, on réunira à nouveau les groupes de travail pour approfondir les actions retenues et discuter des budgets prévisionnels, désigner les pilotes, les partenaires. Ensuite seulement aura lieu la rédaction du plan de gestion et des fiches-actions. Je dis souvent qu’un plan de gestion c’est de la maïeutique. Ce n’est pas nous les experts qui sommes enceintes. On est seulement là pour guider, aider un territoire à accoucher de son plan de gestion dans les meilleures conditions possible.

 

Comparé à d’autres territoires, comment se présentent les choses en Champagne ?

La Mission n’emploie que trois équivalents temps plein. Je suis très admirative du travail qu’ils arrivent à abattre. C’est très inférieur à ce dont d’autres sites disposent, en termes d’ingénierie. Aucun d’eux n’est à proprement parler chargé de communication. Malgré cela, on est frappé de voir que l’inscription elle-même mais aussi le rôle et les actions de la Mission sont bien compris par les partenaires. Le territoire est particulièrement soudé derrière la Mission. C’est sa plus grande force et sa plus grande richesse pour la suite.

 

Comment savoir à la fin si le plan de gestion est bien construit, s’il va permettre d’assurer une gestion efficace du bien sur les dix prochaines années ?

J’ai eu la chance de connaître Pierre Cheval, qui était présent avec Amandine Crépin en tant qu’observateur en 2014 à Doha (Qatar) quand la Grotte Chauvet, dont je m’occupais, a été inscrite au Patrimoine mondial. Ils ont été parmi les premiers à me prendre dans leurs bras ce jour-là pour me féliciter, c’est un très beau souvenir pour moi. Juste après l’inscription du bien Coteaux, Maisons et Caves de Champagne en 2015, Pierre Cheval a eu cette parole : « L’inscription va devenir ce que le territoire décidera d’en faire. » Ce 2e plan de gestion est l’application concrète de ce qu’il avait dit : presque 10 ans après l’avoir obtenue, qu’est-ce que le territoire champenois veut faire de cette inscription ? Plus le nombre d’actions portées par les partenaires de la Mission plutôt que par elle-même sera élevé, plus cela prouvera l’implication du territoire dans la gestion du bien. De mon point de vue, ce sera un bon indicateur de réussite de la démarche

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